La résidence étudiante russe: entre vol de cornichons, cafards, babouchkas et amour de son prochain

On me demande souvent où j’habite en étant étudiante en Russie, et j’ai pensé qu’un article sur la résidence étudiante serait un bon exemple d’une institution de la culture russe. Поехали, c’est parti !

En russe la résidence étudiante s’appelle obchiéjitié, souvent surnommé ochaga. Littéralement cela signifie résidence communautaire, habitation collective. Le terme russe montre mieux ce que recouvre ce genre de logement que sa traduction « résidence universitaire ». Car l’obchaga, c’est plus qu’un endroit où tu as ta chambre et ta petite vie, c’est un art de vivre, surtout dans les plus vieux anciens. Pour vous en parler, je me fonde sur la ville étudiante où j’habite, un des plus grands campus universitaires de Russie, Akademgorodok.

Les obchagas ont été massivement construits sous l’union soviétique, lorsque les usines et les universités ont créé ces habitations collectives pour y loger leurs étudiants ou leurs travailleurs.  Résultat, pas mal de ces obchagas construits dans les années 50 et 60 sont toujours debout, ce qui vous donne une idée de leur état. Dans le film culte, « Moscou ne croit pas aux larmes », on voit un obchaga typique dans lequel vivent les héroïnes à la fin des années 50, quand bon nombre de provinciaux débarquaient à Moscou pour y étudier et ensuite s’y établir.

Comment est-ce que fonctionne l’obchaga?

A l’entrée se tient toujours une babouchka chargée de contrôler que tu habites bien ici. Au début il faut toujours montrer son billet de la résidence pour passer, ensuite elles te reconnaissent et te mettront de côté ton courrier si tu es poli et souriant. Si tu n’habites pas à la résidence et que tu veux rendre visite à quelqu’un, il faut donner son nom, que la babouchka écriera consciencieusement  dans un gros registre, avec le nom de la personne chez qui tu te rends, sa chambre et il faut laisser son billet étudiant. Ca se complique quand tu veux rester dormir par exemple chez ton copain ou ta copine. Soit il faut ruser et passer en scred, pour ne pas avoir à laisser son billet. Première tactique. Deuxième tactique : soudoyer la babouchka, avec une tablette de chocolat ou des biscuits. Cependant certaines babouchkas sont impossibles à soudoyer, résultat il faut connaître leur emploi du temps. Si si. Voilà comme ça vous saurez !

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Ma babouchka préférée

Une fois le dragon passé, à quoi ressemble la résidence ?

  • Premier exemple, les vieux obchiéjitiés d’Akademgorodok qui sont vraiment dans leur jus et s’adressent aux étudiants bachelor (en Russie la licence s’effectue en 4 ans, et on entre à l’université plus tôt d’une année que chez nous) Les modalités varient un peu en fonction de la faculté mais en gros ça fonctionne comme ça : les étudiants sont logés par bloc, dans chaque bloc il y a deux pièces et une toilette-lavabo. Dans la première petite pièce sont logés deux étudiants, dans la deuxième, c’est par trois. Il n’y a pas de cuisine à l’étage, du coup la cuisine c’est dans la chambre ! En règle générale les étudiants achètent au début de leurs études plaque, petit four ou micro-ondes et leur frigo. Les chambres ont toutes leur atmosphère, en fonction du sexe de ses habitants et des personnalités. Les chambres de garçons ont….leur propre définition de la propreté. Chez Pacha et Vania, c’est protéines gratuites en veux-tu en voilà (i.e. open cafards !) Chez les filles c’est plus douillet. Session cuisine chez Ksioucha et ses voisines:

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Vous remarquerez que ce n’est pas le grand confort, et vivre minimum quatre ans dans un espace si réduit t’apprend la patience et le vivre ensemble. Dans d’autres obchiéjitiés, on est parfois à cinq ou six dans une même chambre. Sans oublier que les douches sont communes, au sous-sol. Pour ça je trouve que les russes sont quand même beaucoup moins à faire des chichis que nous, personne ne se plaint!

  • Pour ce qui est de mon obchiéjitié c’est complètement unе autre histoire car pour les étudiants en master de nouveaux obchiéjitiés ont été construits il y a quatre ans. Dans chaque chambre qui fait environ 9 mètres carrés, il y a ses propres sanitaires attenants avec douche, lavabo et toilettes. Franchement pour le prix (5000 roubles pour un semestre soit environ 80 euros) c’est vraiment très bien. Si on a du pot comme moi, il y a même un balcon qui sert de congélo en hiver! Le seul bémol c’est que ce n’est pas très bien insonorisé, et j’ai un voisin Tadjik qui se trouve des talents de chanteur…. Du coup, j’ai un peu l’impression d’être à la mosquée certains jours.

Chez une de mes voisines d’étage, Kristina:

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Kristina vient du Kazakhstan mais est russe
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et orthodoxe
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et biologiste!
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Découverte inatendue

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Pommes de terre et oignons envoyés par la famille
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La table typique dans nos chambres, bouilloire pour le thé, chocolat et citron pour aller avec le thé, lait et tout le bazar qui ne rentre pas dans la cuisine commune

La cuisine est bien entendue commune à plusieurs chambres.

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Quelques anecdotes :

  • Parfois des aliments disparaissent, ce qui donne lieu à des discussions enflammées dans la cuisine et des mots énervés sur le frigo :

« Qui a mangé mon poulet ?! »

« Qui a mangé mon pain ? Je sais que les temps sont durs, mais quand même, le pain c’est pas si cher ! »

« Qui a mangé mon chocolat ? Si je suis grosse, dîtes le moi, mais pas besoin de voler mon chocolat ! »

  • Sinon, récemment mes grands-parents m’ont envoyé du fromage français qui, disons, ne sent pas la douce rosée du matin. Quand on a nettoyé le frigo il y a quelques jours, un de mes voisins  ouvre le paquet et demande :

« Ahhh c’est quoi cette daube, il y a un truc avec du moisi partout, c’est dégueulasse!! »

« Euh, en fait c’est mon roquefort… »

  • Le mot au-dessus du micro-ondes : DSC_0042

« Bonnes gens !

Demande cordiale de sortir du micro-ondes la même quantité que ce que vous y avez placé !

Si un fragment demeure introuvable, ne perdez pas espoir, cherchez sur les parois ! »

  • Une autre réjouissance de ma résidence, c’est l’alarme incendie qui se déclenche presque tous les jours, et ce à n’importe quelle heure, de préférence vers 23h30. Le jour où il y aura vraiment le feu, on va tous cramer, je vous le dis !
  • Parfois on te colle des petits mots doux à ta porte:DSC_0011.JPG

« Demande express de nettoyer votre porte d’entrée côté couloir et de la maintenir propre ! » (je n’ai toujours pas compris quels critères de propreté de ta porte ils utilisent!!)

  • Un autre style d’obchiéjitié, celui pour les doctorants et les travailleurs de certains instituts. Par exemple mes copains doctorants Artiëm et Alexeï chez qui c’est pas tout neuf.
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Liocha et Artiom
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l’entrée du bloc avec ses 15 kilos de chaussures et de manteaux
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Ici la cuisine c’est dans la chambre!
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Le plafond des toilettes…

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Une anecdote pour la fin:

A l’ochaga, des étudiants affamés  rêvassent :

– Ah, si on pouvait avoir de la viande….

– Et pourquoi on n’élèverait pas un porcelet ?

– Ça va pas toi ! C’est sale, ça pue !

– Oh c’est rien, il s’habituera surement…

 * Лежат голодные студенты в общаге и мечтают:

– Эх, мяса бы…

– А может поросёнка заведём?

– Да ты что? Грязь, запах!

– Да ничего, может, привыкнет…

13 réflexions sur « La résidence étudiante russe: entre vol de cornichons, cafards, babouchkas et amour de son prochain »

  1. Interessant, je regrette presque de ne pas aller faire une annee dans une universite russe 😉
    Quand on voit comment vivent les etudiants russes dans leur obchiéjitié, ici en France les residences universitaires sont presque du luxe!

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