Le nouvel an en Russie

Les fêtes du nouvel an sont terminées en France depuis déjà un petit moment mais en Russie elles viennent à peine de s’achever. Ici elles ne commencent en effet que le 31 décembre. Et oui, les russes sont dans l’ensemble de confession orthodoxe donc on oublie la naissance du petit Jésus le 25 décembre ! La fête la plus importante c’est le nouvel an. Ce sont même des vacances officielles, le pays tourne complètement au ralenti jusqu’au 8 janvier.

Bon mais comme ça se passe me demandez-vous ?

Le 31, vu que c’est un peu comme notre noël, c’est le moment où l’on s’offre des cadeaux, ça c’est comme chez nous ! En Russie aussi il est de tradition d’avoir son sapin enrubanné et décoré et au pied duquel on dépose les  cadeaux. On se retrouve surtout en famille, mais on peut aussi inviter des amis. C’est peut-être un peu moins intime que notre Noël à nous.

Et niveau père Noël ? Là c’est presque comme chez nous, à trois différences près.

1- Père Noël s’appelle littéralement « Père grand Froid » ou plutôt « Père grand gel ». « Died moroz » en russe. En fêtant noël en Sibérie j’ai été servie, niveau neige pas eu à me plaindre, j’avais l’impression d’être dans « Princesse reine des neiges » de Disney.

2- Ensuite, le died-moroz porte traditionnellement un costume bleu. Surement rapport à la glace et au froid.

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Père grand-gel au sapin du Kremlin

3- Il est accompagné non pas de fidèles lutins, mais par sa  petite-fille qui s’appelle sniegourochka et dont le nom est formé à partir de « snieg » et qui signifie neige en russe.

Au jardin d’enfants, ces derniers doivent crier « snie-gou-roch-ka, snie-gou-roch-ka, snie-gou-roch-ka!» qui apparaît alors, et ensuite il faut appeler Died moroz très fort et lui réciter un petit poème pour recevoir un cadeau.

Chaque année il y a aussi un grand sapin au Kremlin et une fête à laquelle sont invités des petits russes de toutes les régions. Voici quelques très belles invitations au sapin du Kremlin en URSS . Remarquez l’abondance de fusées spatiales et de missiles, on est dans les années 1960 de la course au cosmos.

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Avec plein de petits pionniers à gauche, les scouts soviétiques avec leurs fichus rouges
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avec les missiles Vostoksà droite
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père noël moderne se déplaçant en avion

Une tradition consiste à danser autour du sapin, ça s’appelle « Khorovod » en russe.

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ronde autour du sapin en URSS
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…et aujourd’hui

Bon et le miam-miam ?

Alors là aussi, il y a des ressemblances et des différences par rapport à la France. Le point commun majeur, c’est que tu manges dix fois trop et que pendant une semaine tu finis les restes. La grande différence, c’est qu’on n’a pas un seul plat en commun. Les grands classiques de la table de nouvel an en Russie (liste non exhaustive) sont les suivants:

Une montagne, que dis-je, un tsunami de zakouskis et de salades.

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Moi devant la table du nouvel an

Les zakouskis se sont des sortes de hors d’œuvre le plus souvent froid. Il y a par exemple de l’aspic – c’est comme de la viande en gelée – différentes saucisses coupées en lamelles, des concombres et des tomates, qui, rappelons-le ne poussent pas en hiver en Sibérie du coup c’est vraiment une délicatessen. Si tu as les poches remplies de roubles (ou mieux de dollars), alors tu auras même du caviar noir sur la table. Si tu en as moins, alors tu te conteras de caviar rouge c’est-à-dire d’œufs de poissons à chaire rouge. En règle générale on les tartine sur un petit pain beurré. J’ai voulu faire ma française, donc j’ai fait des blinis à la française (c’est-à-dire ce que nous on appelle blinis en français, mais qui sont en fait des « olladis » en Russie, les blinis étant en fait purement et simplement l’équivalent de nos crêpes françaises). Résultat, tout le monde s’est demandé pourquoi j’avais fait des pancakes pour manger avec le caviar, petit moment de solitude.

Parmi tous ces délicieux zakouskis, il y a mon chouchou, (Edouard, Fanny, si vous me lisez-vous saurez de quoi je veux parler) : les chprotis. Les chprotis ce sont des petits poissons marinées et fumés, mis en boîte métallique et conservés dans de l’huile. On en fait en général des toasts avec du pain noir. J’ai mangé l’équivalent du lac Baïkal ce soir-là.

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Les chprotis

Sinon rayon poisson on peut aussi faire du poisson mariné et salé. Nous on avait acheté un poisson surgelé (acheter un poisson frais c’est le luxe dans notre région, car vous remarquerez sur une carte que Novossibirsk est juste situé au milieu de rien, pas de mer, pas d’océan, juste beaucoup de forêts et de neige) qu’on a ensuite fait décongeler avant de le faire mariner dans de l’eau salée avec de l’aneth. Ensuite on peut en faire des toasts avec du pain noir beurré. J’espère qu’à ce stade je n’ai toujours pas dégoûté personne.

On est en Russie, donc on n’échappe pas non plus aux légumes en bocaux. Les habituels concombres et tomates marinés mais aussi une nouveauté pour moi, les grouzdis. « Grouzd » c’est le nom en russe, en français je n’ai pas réussi à identifier la bête mais sur Wikipédia on peut lire que c’est un « Lactarius resimus », rien que ça, et qu’il « est considéré comme un met délicat en Europe de l’Est quand il est saumuré. » Il est en effet pas donné mais franchement très goûtu, on le prépare avec des oignons crus et de la crème fraîche locale, la smetana que je ne présente plus.

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Les groudis en bocaux derrière la gretchka
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et passés à la crème fraîche
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Notre table

On peut aussi couper des lamelles de fromage, sachant que le fromage russe ressemble en règle générale à de l’edam ou à du gouda, et qu’il n’est pas très dur comme un compté ou un vrai gruyère. Il y a quelques fromages à pâtes dures mais c’est plus rare et surtout beaucoup plus cher et il faut connaître les petits magasins où se les procurer. Le fromage est surement le produit qui me manque le plus en habitant ici. J’ai remarqué qu’il y beaucoup de fromages qui s’appellent Padano, ou gouda, ou bleu, mais qui ne sont que de pâles imitations.

Ensuite viennent les éternelles et indétrônables salades russes. Vous vous en doutez, dans nos contrées la laitue ne pousse pas facilement. Aussi, par salade on comprend en russe un plat froid où il y a en règle générale au moins un légume, mais qui n’a rien à voir avec nos petites salades tomates-mozza. C’est plus ambiance salade macédoine que plat light. Au menu, il y a en règle générale la fameuse salade olivier. Elle se prépare à partir d’œufs durs, de petits pois, de pommes de terre, de saucisse (souvent la saucisse du docteur), de cornichons marinés et d’à peu près trois litres de mayonnaise. Il y a aussi la salade du « hareng sous le manteau », qui se prépare avec une couche de pommes de terre, une couche de hareng, des oignons, une couche de carottes et de betteraves, et le tout recouvert de mayonnaise.

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Et une table pour laquelle on a pas été radin en salades!

Je continue ? Non ok on va s’arrêter là niveau salade sous peine d’indigestion de mayonnaise!

Bon et puis non, encore une pour la route la salade ananas ! Elle se compose d’ananas en dés, mélangés à des œufs durs, du fromage râpé, de l’ail, et of course….de la mayonnaise pour lier tout ça !

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La salade olivier. « Bientôt dans tous les frigos du pays »

Bien entendu comme c’est la coutume en Russie comme dans les pays asiatiques, tout est déjà sur la table et on se sert comme on veut, on ne se passe pas vraiment les plats ni on attend pour se resservir.

Ensuite viennent les plats chauds. Un plat typique, c’est de faire un canard fourré aux champignons et à la gretchka (des graines de sarrasin, un des produits de base de l’alimentation russe) ou encore avec des pommes. On peut aussi faire du poisson au four mais c’est moins traditionnel.

Quand arrive le dessert, il est à peu près certain que vous vous êtes déjà transformé en loutre apathique. Un dessert typique c’est la tarte napoléon, une sorte de mille-feuilles à la russe. J’ai l’impression qu’en règle générale les gens achètent leurs gâteaux au supermarché ou en magasin spécialisé, et il n’y a pas comme en France une tradition de bûche, d’entremets ou de bombes glacées. Je ne suis pas fan des gros gâteaux russes car ils sont trop sucrés pour moi et avec beaucoup de crème.

Tout au long du repas on peut en règle générale grappiller des morceaux de pommes, du raisin ou encore des mandarines qui sont THE fruit de la table de Noël. On m’a raconté qu’en URSS pendant les fêtes elles arrivaient du sud de la Russie ou d’Ouzbékistan par containers entiers. On s’est ainsi fait envahir par les mandarines à la fin du mois de décembre chez le marchand de fruits du marché couvert.

Bien sûr, j’ai oublié de vous dire ce qu’on buvait à table. On peut boire du vin mais la vodka est quand même plus traditionnelle. Contrairement à nous, le champagne ne se boit pas en début de repas mais lorsque sonnent les douze coups de minuit. Enfin ça c’est que j’ai observé ! C’est à ce moment-là que la fête commence vraiment en fait.

Les traditions télés

Le sujet nourriture qui nous préoccupe tous étant bouclé, abordons les traditions non culinaires. Lors de la journée (voir la veille) de la préparation de tous ces plats, et pendant la soirée elle-même, il y a comme une tradition de regarder de vieux films soviétiques qui passent à la télé toute la journée.

Il y a quelques films cultes comme « L’ironie du sort » que j’aime beaucoup du réalisateur culte Eldar Riazanov. C’est LE film pour le nouvel an car l’histoire se passe à cette période de l’année. Un homme qui a trop bien fêté la future nouvelle année au bania avec ses amis prend l’avion pour rentrer chez lui à Moscou . Trop éméché, il se retrouve sans le savoir à Leningrad – ancien Saint Pétersbourg à l’époque . Arrivé chez lui, ne remarquant aucune différence, il s’endort comme une masse jusqu’à ce qu’une femme débarque dans son appartement en prétendant être chez elle. En fait, comme en union soviétique les immeubles étaient tous standardisés ainsi que le mobilier, et que même les rues portaient le même nom (d’ailleurs aujourd’hui encore, dans toute les villes vous trouverez la place Marx, la place et l’avenue Lénine, ou encore la rue de la révolution) leurs deux appartements dans deux villes différentes se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Commencent alors une suite rocambolesque d’événements.

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Un autre film culte, c’est « Ivan Vassilievitch change de profession », l’histoire d’un voleur et d’un retraité qui se retrouvent téléportés en Russie du 16ème siècle à la place du tsar et d’un de ses princes, pendant que le vrai Ivan Grozny se retrouve projeté en URSS des années 1960. Leonid Gaïdaï est avec Riazanov le deuxième grand réalisateur soviétique. On lui doit aussi « Opération Y et autres aventures de Chourik », « La Prisonnière du Caucase » qui passent au nouvel an. En fait tous ces films ont vraiment une atmosphère particulière, bon enfant et qui vous plonge dans une URSS qui à l’écran n’avait pas vraiment de défauts. Toutes ces comédies sont des classiques du cinéma soviétique que tout le monde connait . Un peu comme « les gendarmes à St tropez » ou « le père noël est une ordure ».

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Dans un registre moins classe, il y a une émission typique du réveillon, dans le style du « plus grand cabaret du monde » de Patrick Sébastien, ça s’appelle « La petite flamme bleue», en russe « golouboï ogoniok ». C’est dix fois pire que nos pires émissions de divertissement, on a eu un moujik velu et moustachu déguisé en tutu qui faisait de la balançoire, beaucoup de pop et de paillettes, des présentateurs très maquillés et à l’air cocaïnés. C’est fluo avec des célébrités filmées en train de faire semblant de s’amuser et le tout dure 5 heures et 20 minutes. En fait l’émission date des années 1960 et apparemment elle n’était pas si horrible qu’aujourd’hui. Si j’ai bien compris, toutes les chansons sont des reprises, soit inchangées, soit traduites en russe ou alors dont les paroles sont changées pour en faire des parodies. Cette année, il y a notamment eu une chanson où, d’un côté, des chanteuses et danseuses russes étaient figurées, et de l’autre un chanteur qui était une copie de Porochenko, le président ukrainien actuel. Les paroles de la chanson étaient détournées pour en faire une parodie assez vexante pour l’Ukraine, comme si elle était responsable de ses problèmes et que la Russie n’était pas coupable. Du coup les ukrainiens se sont vexés et il y a même une pétition qui tourne ces derniers temps contre cette chanson.

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une des stars du show, le chanteur populaire Philipp Kirkorov

Une autre grande tradition, c’est de regarder les vœux du président qui ont été préenregistrés pour que chaque région puisse les écouter à son rythme. Et oui, en Russie il y a quand même 10 fuseaux horaires. Le discours du président, c’est une tradition qui date d’environ 1995. Elle se déroule toujours de la même manière, avec de superbes plans sur Moscou la nuit et surtout sur l’horloge de la place rouge dont on entend sonner les douze coups de minuit.

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Poutine on the TV!

Il y a aussi une tradition qui veut que l’on note son vœu sur un morceau de papier, puis qu’on l’enflamme dans sa coupe de champagne pour boire les cendres avec sa coupe au moment du passage à la nouvel année. Comme ça, on est certain que le vœu se réalise. Miam!

On m’avait prévenue que les russes aimaient les pétards pour le nouvel an. On m’avait dit pétards, pas feux d’artifice! Dès minuit trente, ça a commencé, des bruits de détonations, de partout, on avait l’impression d’être bombardés. Les gens sortent dans la rue avec leur famille, les petits compris, pour faire leur petit feu d’artifice perso. Ça a duré comme ça jusqu’au 3 janvier .

Après minuit, en fait c’est un peu comme on veut, des amis m’ont raconté que si tu as jusque-là fait la fête avec ta famille, tu peux parfaitement aller rejoindre des amis. C’est comme on veut ! Finalement c’est un peu comme un mélange d’un noël et d’un réveillon du 31 français.

Mais du coup y’a pas noël en Russie?

Si, mais d’après le calendrier orthodoxe, noël c’est le 7 janvier. C’est un jour férié également mais aucune frénésie comme pour le 31 décembre. Je crois que ce sont surtout les croyants qui le fêtent. Et d’après l’ancien calendrier, il y a aussi le « vieux nouvel an » qui suit le calendrier julien (à partir de 1918, la Russie soviétique est passée de ce dernier au calendrier géorgien) et a lieu le 13 janvier. A cette date, c’est vraiment la fin les fêtes, jusqu’à la krechieniye, quand les russes plongent dans l’eau glacée le 19 janvier!

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Avant et après le nouvel an

4 réflexions sur « Le nouvel an en Russie »

  1. MIAM MIAM ZAKOUSKIS ET AUTRES REJOUISSANCES GUSTATIVES !!
    MERCI CONSTANCE ENCORE UNE FOIS CE DOCUMENTAIRE EST PARFAIT ET COMPLET ! ON S’Y CROIRAIT!A BIENTOT POUR LA SUITE DE TES OBSERVATIONS SI ATTRAYANTES ! VERO

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